Planification et fixation d'objectifs

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Devopt : Il est intéressant de constater qu’il existe différentes méthodologies de planification qui découlent du contexte sportif et notamment de l’organisation du calendrier suivant le rayonnement du sport dans différents évènements : championnats, saison de compétitions, JO... Ainsi les planifications seront différentes selon que l’on prépare un championnat (Ligue 1, NBA …), des évènements isolés (Tour de France, Championnat du monde …) ou un projet Olympique. Pour le sportif, la planification de l’entraînement jouera donc un rôle crucial dans la compréhension de son écosystème de pratique sportive. Pour cela l’athlète doit avoir plusieurs objectifs à court, moyen et long terme. Par long terme on entend plusieurs années. On parle ici plutôt d’un plan de carrière.

En cyclisme on tend à proposer des planifications annuelles le plus souvent rattachées à une saison complète basée sur l’enchainement presque religieux : Coupure / Préparation hivernale / Première partie de saison / Transition, coupure été / Deuxième partie de saison. Beaucoup d’athlètes déclinent cette planification puis y greffent des objectifs aux périodes propices en ajustant quelques semaines et en espérant y performer. Mais cette méthodologie n’est pas optimale (ou tout du moins est largement perfectible) puisque la fixation d’objectifs doit se faire en amont et c’est elle qui entraîne la mise en place d’une planification. Elle permet ainsi d’éviter une approche trop cloisonnée qui limite les champs de perspectives. Il est possible de planifier sur une saison, ou de scinder son processus d’entraînement par planifications de saisons mais celles-ci doivent découler d’objectifs établis au préalable et non pas l’inverse.

On comprend aussi mieux l’intérêt de réfléchir à la progression de l’athlète sur plusieurs années avec les catégories jeunes où les marges de progression sont telles, qu’elles nécessitent plusieurs années de travail et de développement. Un autre exemple plus parlant est la mise en place d’un entraînement en musculation dans le processus d’entraînement. Si l’on adopte un raisonnement limité à l’année, est-il viable de commencer un entraînement à charge avec un néophyte tout en sachant que l’on n’aura pas le temps d’atteindre un niveau acceptable d’expérience et de formation pour réaliser des charges de travail suffisantes ? Avec une vision plus large il peut s’avérer intéressant de commencer un travail pédagogique autour de la musculation (au détriment du processus immédiat) afin de l’intégrer progressivement et de s’en servir plus tard (au bénéfice du processus futur et du résultat final). Bien entendu, plus les objectifs seront éloignés moins la planification sera précise, mais elle doit cependant déjà être réfléchie.

En effet, on ne part pas sans savoir où l’on va. Pour planifier il est nécessaire de connaitre précisément ses objectifs. La planification est un enchaînement d’hypothèses permettant d’arriver à ses fins. Dès lors qu’une hypothèse s’avère erronée, elle impacte la suivante qui impacte la suivante à l’instar de l’effet « boule de neige », le but in fine peut s’en trouver largement modifié. Il faut donc être prudent et l’ajustement n’est pas une alternative mais une nécessité.

Bien que la stratégie d’action puisse être modifiée, elle doit être, à la base, réfléchie et claire. Comme on l’a dit plus haut, la planification est prévue pour atteindre un ou des objectif(s). Je veux gagner la partie (objectif principal), pour cela je dois prendre la dame, empêcher le roque ou contrôler le centre (objectifs secondaires). Définir des objectifs secondaires c’est considérer que si vous les atteignez, vous avez plus de chance de gagner. Néanmoins ces derniers n’ont pas nécessairement besoin d’être validés pour réussir l’objectif principal. Cela dépendra de l’adversaire.

Ainsi la planification se fonde sur 4 axes :

• Diagnostic des capacités physiologiques et psychologiques de l’athlète.
  
• Fixation d’objectifs en adéquation avec l’étape 1.
  
• Elaboration d’un modèle de performance en adéquation avec les étapes 1 et 2.
  
• Mesure et suivi de l’atteinte des objectifs (adapter si besoin Cf covid19).

Devopt : La mise en place d’un modèle d’entraînement n’est pertinente qu’avec la prise en compte d’un certain nombre de composantes. D’un point de vue physiologique, on parle notamment de la capacité physique, de la capacité et du taux d’assimilation de la charge d’entraînement, ainsi que le temps d’adaptation et de désadaptation à cette charge. Ces derniers facteurs sont parfois difficiles à quantifier et nécessitent une écoute et une lecture attentives des expériences d’entraînement précédentes.

Méallet F : D’un point de vue psychologique cette fois il faut s’intéresser au niveau de force mentale qui n’est autre que la capacité à faire face aux situations grâce aux compétences psychologiques de la personne. Un haut niveau de force mentale suppose la maîtrise des différentes habiletés mentales (ou capacités mentales) comme la concentration, la gestion du stress et des émotions, l’intelligence émotionnelle, la fixation d’objectifs, la motivation …

Au regard de la préparation physique qui identifie différentes qualités physiques comme la vitesse la force, l’endurance … La préparation mentale identifie différentes compétences psychologiques comme la concentration, la gestion du stress et des émotions, l’intelligence émotionnelle, la fixation d’objectifs, la motivation … Il est donc important de travailler ces compétences psychologiques pour améliorer la performance. Travailler ces qualités c’est les identifier, les mesurer pour pouvoir à un instant t+1 voir l’évolution de la compétence avec l’entraînement en préparation mentale.

Méallet F : Il est important de noter que pour fixer ses objectifs, il faut d’abord bien se connaître et connaître les contextes dans lesquels on évolue (contexte familiale, personnel, professionnel, …). L’approche systémique est de mise.

L’Objectif est une représentation mentale d’un niveau de performance à atteindre (perception plus ou moins subjective du futur). Cela dépend donc de vous, de la perception que vous avez de la réalité et de vos compétences à répondre à la réalité. La fixation d’objectifs est quant à elle, le processus cognitif et motivationnel qui permet d’atteindre ses envies (Latham et Locke, 2007). Elle fait appel à vos connaissances (de soi, de ses contextes, …) et à votre motivation (actions engagées vers … pour …).

Quand on travaille sur la fixation d’objectifs, on travaille aussi sur la motivation. Les deux sont étroitement liées. L’entretien motivationnel est fortement conseillé. Pour déterminer les buts à atteindre, il faut définir vos envies et vos besoins pour la performance. Ensuite il faut se poser la question de savoir si vous êtes capable de faire le nécessaire pour réussir à atteindre les objectifs. Certains athlètes aimeraient être champion de France sans pour autant faire les efforts qu’ils ont eux-mêmes déterminé comme nécessaires pour atteindre la performance. Ainsi l’objectif de champion de France devient un mauvais objectif pour la personne car il n’est pas atteignable sans faire ce qu’il faut.

Il existe 3 types d’objectifs. L’objectif de résultat, c’est le but final à atteindre (faire un gâteau au chocolat que mes proches aiment). L’objectif de performance c’est le but intermédiaire ou sous-objectif (faire un gâteau au chocolat que moi j’aime). Enfin, l’objectif de processus qui reflète les moyens pour y arriver, le comment (je dois mettre 200g de chocolat, 100g de beurre, 3 œufs, cuisson 20’).

Une étude de Filby en 1999 a observé une population de joueurs de football amateurs sur une période de 5 semaines. Cinq groupes ont été formés avec pour chacun d’eux une stratégie de fixation d’objectifs différente : Absence d’objectif / Objectifs de résultat / Objectifs de processus / Objectifs de résultat et de processus / Objectifs de résultats, de performance et de processus.

Les résultats montrent que les groupes à objectifs multiples ont été les plus performants. De plus, le groupe le moins performant a été celui avec uniquement des objectifs de résultats. Il est important de comprendre que le but ou l’objectif de résultats, s’il est tout seul, est contre-productif puisqu’il va mettre de la pression sans déterminer le chemin qu’il faut prendre. L’individu va se focaliser sur le futur et non sur le présent, ce qui va l’empêcher de faire ce qu’il faut pour atteindre le but. Ses actions seront floues et diffuses et donc inefficaces. Les intérêts à fixer ses objectifs sont donc multiples, on peut citer notamment une diminution de l’anxiété, une amélioration de la performance, une amélioration des chances d’atteindre ses objectifs, une augmentation de l’investissement, de la persévérance ainsi que de l’attention sur la tâche.
La bonne fixation d’objectifs n’est pas innée. Elle se travaille et s’évalue régulièrement pour adapter si besoin (cf blessure, covid 19, …).

Devopt : Platonov présente un processus d’entraînement en 9 étapes :

Devopt : La crise liée au Covid19 illustre parfaitement les aléas de jeu énoncés dans la première partie de cette chronique. En cyclisme celle-ci a impacté lourdement la planification. Dans un premier temps cela ne représentait que des annulations de compétitions proches puis dans un second temps a été annoncé la suspension complète de toutes les compétitions jusqu’à nouvel ordre. Certains athlètes sortaient tout juste de stages d’entraînement intensifs avec toute la préparation psychologique associée à l’arrivée imminent d’objectifs de début de saison. Dès lors, la principale difficulté n’a pas été de continuer de s’entraîner sans compétition mais bien de savoir réorienter ses objectifs malgré un manque de visibilité à court et moyen terme. C’est lors de ce genre de situation où les objectifs à court et moyen terme sont ébranlés que les objectifs à long terme représentent le seul socle au maintien d’un état psychologique propice au développement. L’objectif de l’entraîneur est alors d’aider l’athlète à redéfinir le plus rapidement possible des jalons intermédiaires pertinents sur lesquels il peut s’appuyer.

A la suite de cette période est annoncé le confinement, impactant les modalités d’entraînement et donc une nouvelle fois la planification. A ce stade, l’objectif de l’entraîneur s’oriente de plus en plus sur le contrôle et la gestion de la monotonie d’entraînement afin de maintenir une motivation intacte. Courses virtuelles, Challenge Devopt, orientation spécifique sur certaines filières habituellement moins travaillées, stage en montagne… plusieurs alternatives peuvent être mises en place afin de permettre à l’athlète de temporiser cette période tout en travaillant de manière ludique et pertinente.
L’impact du covid19 sur les athlètes de haut niveau aura été psychologiquement bien plus difficile à gérer que physiquement. Une vision claire et cohérente sur ses objectifs à longs termes (qui peuvent aller bien au-delà d’une année, tel qu’un plan de carrière) et une capacité à redéfinir une stratégie de performance à l’aide d’une planification flexible (sur le court et moyen terme) sont pour moi les qualités essentielles qui permettent de gérer efficacement des situations imprévisibles et impactantes.

Méallet F : La crise du covid 19 a changé vos plans et c’est tout à fait normal. C’était imprévisible et le fait de modifier vos objectifs est une bonne chose. Cela montre que vous contrôlez vos objectifs régulièrement. Maintenant reste à savoir si vous changez tous vos objectifs à court, moyen et long terme et si oui dans quel sens. Logiquement les objectifs de résultat devront être revus à la baisse ou repoussés dans le temps. Néanmoins pour certains athlètes blessés par exemple, cette coupure est une aubaine. Pour tous les autres, il faut réévaluer ses compétences par rapport à la réalité et jauger de la difficulté des nouveaux objectifs de résultat. Le côté réaliste et temporelle est aujourd’hui quelque chose de difficile à déterminer dans le futur.
Il me paraît compliqué aujourd’hui de déterminer des objectifs de résultat à court terme, voire plus loin dans le temps, parce qu’ils dépendront de trop de facteurs imprévisibles. Je pense que la bonne méthode à suivre, et qui est faite d’une adaptation de la méthode de la fixation d’objectifs, consiste à déterminer des objectifs de performance et de processus. Je m’explique. Au lieu de viser des victoires, des classements sur des courses, etc… Je pense qu’il est préférable de déterminer des objectifs de performance personnels comme un niveau de VO2max, de VMA, de souplesse sur les membres inférieurs, de force max … Tous ces objectifs de performance ne dépendent que de vous et pour un sportif, ils représentent un bon moyen de réussir au mieux le retour à la « normale ». Pour cela, il faut cette fois ci, déterminer des objectifs de processus tel que faire des séances tous les jours de 17h-19h, manger 5 fruits et légumes par jour… Je pense également que la réorientation des objectifs à court terme voire moyen terme est la plus abordable aujourd’hui. Bien sûr tout dépend de votre échelle de temps et de votre carrière (18 ans vs 33 ans).
En résumé, privilégiez votre attention sur la réorientation à court terme, à l’aide d’objectifs de performance et de processus en attendant un horizon plus clair.
Ce confinement et l’annulation des compétitions ont aussi perturbé certains athlètes. Difficulté à s’endormir, surplus d’énergie, démotivation, … Nous avons donc travaillé avec différents athlètes sur des routines d’endormissement, sur des exercices de régulation émotionnelle, et bien entendu sur la fixation d’objectifs. Cette période a montré que tout miser sur le sport est risqué. En psychologie, nous parlons souvent de la vie comme d’un tabouret. Si celui-ci possède plusieurs pieds comme le sport, la famille, la musique, … même si l’un d’entre eux est suspendu, il reste d’autres pieds pour assurer la stabilité. La difficulté observée était pour ceux qui n’avaient qu’un seul pied : le sport. Il est donc important de prendre conscience de ce qui vous plaît au-delà du sport. Prenez conscience de ce qui fait votre stabilité émotionnelle. Vous n’êtes pas qu’un sportif, vous êtes bien plus.

Je remercie Florian Méallet pour son intervention et vous invite à suivre son travail en tant que préparateur mental dans le monde du sport, de l’entreprise et du particulier.

Pour en apprendre plus sur ce sujet vous pouvez lire l’ouvrage de Vladimir Nikolaevič Platonov : L'entraînement sportif, théorie et méthodologie aux éditions Broché ainsi que le livre de Richard Cox : La psychologie du sport. 2ème édition Sciences et pratiques du sport, aux éditions Deboeck.

Retrouvez toutes les actus de Florian Méallet sur : www.mflorian-prepamental.fr

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